Frédéric Vervisch

Après des études d'Arts appliqués à Rouen, Frédéric Vervisch travaille comme professionnel dans le dessin animé depuis 1990 chez Disney. Il est actuellement story-boarder chez Blue Spirit sur la série "Les mystérieuse cités d'or" ou "Arthur et les enfants de la table ronde". Bombatô Mike est son pseudonyme utilisé auprès de ses 75000 followers sur Instagram pour présenter ses créations érotiques.

Des pin-up à l’heure de #Metoo ?

Dans des poses lascives, accompagnées de textes plus que suggestifs : comment ne pas y voir le fameux male gaze (le « regard masculin ») sur la femme, débusqué par Laura Mulvey en 1975, dans les classiques du cinéma américain, où la femme est toujours sexualisée et réduite à un objet pour satisfaire les désirs et les envies de l’homme ? Une « femme-objet », d’autant plus si l’on songe à la pin-up, littéralement « épinglée sur le mur » comme un papillon pour entretenir le moral – et la libido – des soldats américains pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Alors, la femme nue, érotisée, sexualisée, même : libération ou aliénation ? Domination ou soumission ?

Déjà, le dessin n’est pas une photographie : il y a des images de Bombatô Mike qui passeraient – très – mal en photo. Et comme on l’entend dire dans un fameux film – comique : « n’y voyez surtout pas le fantasme de l’homme, mais plutôt, la recherche créative, le délire de l’artiste ». Ce qui veut dire qu’on est dans le domaine de l’imaginaire et de l’imagination, où le désir est au moins « sublimé » comme dirait l’autre – Freud.

Ensuite et surtout, les textes eux-mêmes, volontiers provocateurs et délicieusement drôles, sont écrits par une femme, Nikkie, qui apprécie beaucoup les dessins de Mike. Donc, pas de male gaze, mais plutôt, un regard croisé féminin, masculin.

En fait, l’érotisme s’oppose-t-il forcément au fémi-nisme ? Tout ce qui relève du sexe et du désir est-il forcément masculin ? Une femme ne peut-elle se plaire elle-même à plaire, à séduire ? Est-on d’autant plus libre qu’on est moins désirable ? À une époque, on parlait plutôt de « libération » sexuelle s’opposant à une morale qui voudrait empêcher la femme de se montrer – de « s’assumer » : couvrez ce sein que je ne saurais voir ! Faisait dire Molière à Tartuffe.

En tout cas, les pin-up de Bombatô Mike n’ont rien de soumises : elles sont plutôt, toujours, dominantes – voire, dominatrices – et semblent tenir l’homme qui les regarde – ou qui les imagine – à leur merci. Les dessins de Bombatô Mike rappellent assez ce qu’avait pu dire Milo Manara lui-même, le pape de l’érotisme : « L’idée que la femme puisse être soumise est totalement contraire à mon éducation »

Le dessin érotique : femme-objet ou femme libérée ?
par Gilles Vervisch Le Monde du 10 09 2023

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